Quand la température s'en mêle¶
L’effet de la température sur la plasticité des métaux est large. En réalité, un bon nombre de mécanismes sont dits thermiquement activés.
Sous l’effet de la température, les microstructures de dislocations évoluent vers un état d’énergie plus stable en relaxant une partie de l’énergie élastique emmagasinée dans le cristal. Ceci requiert des déplacements non autorisés à plus basse température. Il s’agit de la montée et dans une moindre mesure du glissement dévié. En effet ces deux mécanismes confèrent aux dislocations une plus grande liberté de mouvement. Alors que le glissement dévié permet de contourner des obstacles ou débloquer des empilements, la montée facilite l’annihilation des dislocations. Dans le premier cas, ceci donne lieu à un durcissement car de nouvelles interactions donnant des segments sessiles sont produites, alors que la montée participe à un certain adoucissement du matériau. De manière générale, on observe que la limite d’élasticité diminue avec la température, ce qui indique que la température a généralement des effets catastrophiques sur la plasticité.
L’annihilation des dislocations par processus de montée conduit donc à la diminution de la densité de dislocations : ce processus est appelé restauration. On observe ce phénomène lorsqu’on effectue le recuit d’un matériau.
Les processus thermiquement activés rentrent fortement jeu lorsque la friction du réseau est trop importante pour être compensée par une composante purement mécanique. C’est le cas de la force de Peierls dont nous avons parlé. Il y a deux origines à l’existence des vallées de Peierls : la directionnalité et la rigidité des liaisons atomiques (cas des semi-conducteurs), et l’étalement du cœur des dislocations (cas des métaux cubiques centrés principalement).

Nous n’avons pas parlé de la seconde origine pour l’instant. Dans les métaux cubiques centrés, les forces de Peierls sont faibles, mais le réseau fait subir des forces importantes aux dislocations vis pour la raison que nous allons expliquer. Dans ces cristaux les dislocations glissent dans les plans (110) ou (112) avec des vecteurs de Burgers a/2[111]. Comme l’énergie de faute d’empilement est grande, les dislocations sont peu ou pas dissociées. La direction des dislocations [111] (la diagonale du cube) présente une symétrie ternaire et se situe à l’intersection de trois plans (110) et trois plans (112). Le cœur de la dislocation se situe alors le long de la direction [111] où les distorsions atomiques sont les plus faibles. Il adopte alors deux configurations stables. La première de grande énergie correspond à un cœur compact et isotrope le long de la direction [111]. La seconde correspond à un cœur plus étalé et de moins grande énergie principalement dans les trois plans (111) et un peu aussi dans les trois plans (112). Le cœur a alors un aspect « étoilé ». Comme cette dernière configuration est plus stable, la dislocation ne peut glisser d’une position stable à une autre qu’en contractant son coeur (ce processus qui requiert de l’énergie est thermiquement activé). Il s’ensuit une friction importante du réseau.
Ce comportement peut se rapprocher du comportement des dislocations largement dissociées en deux partielles de Shockley. En effet pour changer de plan, il est nécessaire de restaurer la dislocation initiale vis qui est la seule à même de glisser dans un autre plan. On doit alors opérer la constriction de la faute d’empilement.

Une certaine quantité d’énergie associée à la constriction étant nécessaire, le glissement dévié est plus facile dans les métaux ayant de fortes énergies de fautes d’empilement (c'est-à-dire pour lesquels les dislocations sont peu dissociées). Dans la situation inverse, ceci à des conséquences importantes sur la mobilité des dislocations.
Reconsidérons les mécanismes de durcissement par précipitation ou ajout d’impuretés. L’effet de la température peut être relativement catastrophique si on considère que la forme, la taille et également leur cohérence avec la matrice change avec la température et le temps. L’art du métallurgiste est alors de s’affranchir de ce genre de petits désagréments surtout pour des applications à haute température et longue durée de fonctionnement (pensez aux pales d’une turbine par exemple !)
Imaginons maintenant ce qu’il advient à haute température dans certains alliages contenant des impuretés. Lorsque la contrainte est suffisamment élevée en début de déformation, les dislocations peuvent se désancrer. Cependant, comme les atomes sont beaucoup plus mobiles à haute température, ils tendent à diffuser vers la dislocation (car ils y trouvent une position plus stable). La dislocation est suivie d’un nuage d’impuretés (appelé nuage de Cottrell). Si les atomes rattrapent la dislocation, ils vont de nouveau la bloquer. On est conduit alors à un phénomène d’instabilité sur la courbe contrainte déformation, appelé phénomène Portevin-Le Châtelier).


Le tableau suivant vous donne un aperçu de l’ensemble des mécanismes plus ou moins sensibles à la température.
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Obstacles localisées Obstacles linéaires Activés thermiquement Arbres de la forêt répulsifs
Champs de contrainte d’atomes en solutionActivés ou athermiques Défauts d’irradiation
Précipités cohérents
Jonctions attractivesAthermiques Précipités incohérents
Champs de contraintes à grande distance
Traînage de crans