Petit mais costaud¶
Cet article a été repris dans la Recherche, n° 417, p12, Mars 2008
Réduite à quelques centaines de nanomètres, une pièce métallique est plus dure que son équivalent massif. Des résultats expérimentaux récents viennent en éclairer les raisons.

Nanopilier d'or, cliché Marc Legros, CEMES-CNRS
Le phénomène n’est pas nouveau : il y a une cinquantaine d’années déjà, on découvrait en déformant des fils métalliques de quelques micromètres de diamètre, que leur résistance mécanique augmentait d’autant plus que leur diamètre diminuait. La dureté des plus fins peut être jusqu’à 10 fois plus grande que celle mesurée pour une pièce massive du même matériau. Cependant ce n’est que depuis quelques années, et la progression des techniques de nano-fabrication, que plusieurs équipes se sont de nouveau penchés sur ces « matériaux aux petites dimensions » afin de comprendre comment les effets de taille et de confinement modifient leurs propriétés mécaniques. L’approche utilisée par A. Minor et ses collègues au Centre National pour la Microscopie Electronique à Berkeley, s’appuie sur la réalisation et le suivi d’essais mécaniques miniaturisés à l’intérieur d’un microscope électronique à transmission. Dans leur dernière expérience 1, ils ont réussi à comprimer des piliers de nickel de 150 à 400 nm de diamètre tout en observant l’évolution de leur structure en fonction de la force appliquée. Pour réaliser de tels piliers, l’équipe américaine a utilisé une technique très en vogue de gravure par faisceau d’ions focalisés qui permet de creuser précisément une surface et dégager ainsi des piliers bien plus fins que les fils métalliques observés précédemment. Afin de comprimer ces piliers, les chercheurs américains ont réussi à appuyer sur une face du pilier l’extrémité d’une pointe en diamant tandis que l’autre face demeurait fixe. Au début de leur expérience, ils ont tout d’abord constaté la présence d’un grand nombre de défauts, appelés dislocations, naturellement présents dans le matériau ou introduits par la gravure ionique. Sous l’effet de la contrainte appliquée, ils ont alors observé ces dislocations être évacuées vers la surface et disparaître du pilier. Ceci a pour conséquence de rendre le pilier parfaitement cristallin, et ce d’autant plus facilement que le pilier est petit. Le rôle des dislocations est bien connu dans les métaux pour assurer la propagation de la déformation « en douceur ». Une fois cette phase d’évacuation passée, de nouvelles dislocations doivent être produites depuis les surfaces libres pour que la déformation puisse continuer, une situation inhabituelle dans les matériaux massifs où des sources de dislocations fonctionnent facilement autour de dislocations préexistantes. A l’inverse dans le cas des piliers, le tarissement des sources de dislocations conduit à un durcissement et ce d’autant plus important que les piliers sont parfaits, c'est-à-dire petits. On comprend ainsi pourquoi les petits piliers sont les plus durs. Bien que ces observations viennent appuyer un modèle imaginé par W. Nix à l’université de Stanford, on ne serait en rester là. Reste cependant un problème épineux : bien qu’une seule loi semble décrire le durcissement en fonction de la taille, des mécanismes différents doivent être invoqués pour expliquer le comportement des plus petits piliers et ceux dont la taille est trop grande pour évacuer les dislocations facilement. D’autres approches sur d’autres nanomatériaux ou avec d’autres types d’essais mécaniques devraient apporter du grain à moudre aux physiciens.